LA CROIX DES QUATRE VENTS
Les vieilles maisons de pierre aux tuiles moussues couvrant les façades nues , les croix oubliées posées là , aux carrefours d'anciens chemins et d'habitations apportent au promeneur un apaisant sentiment d'immuabilité. Nous croyons , avec force certitude et cela est bien naturel que ces artéfacts ont toujours été là où ils se trouvent , mais l'approche est erronée . La croix des Quatre vents , ce n'est qu'un exemple , n'a pas toujours été à la place où elle se tient actuellement .
Ce déplacement salvateur pose cependant problème : le choix originel de l'emplacement de ces croix n'est aucunement dû au hasard mais justifié par des raisons bien précises ; les déplacer altère hélas leur sens spirituel et pratique. Ces croix " de carrefour" servaient à marquer des emplacements privilégiés , mais aussi à délimiter des parcelles , et pour certaines le lieu où l'on se donnait rendez-vous dans un but plus ou moins avouable ( contrebande de sel par les " faux saulniers ", vente sous le manteau d'animaux domestiques à la barbe du "maître" , rendez-vous galants ).
Ce calvaire des Quatre vents forme un ensemble harmonieux qui attire le regard , c'est à peine si l'on remarque qu'un morceau de la croix a été cassé . Composée d'élégantes volutes en fonte décorative , on retrouve le monogramme IHS du Christ (IESUS HOMO SALVATOR) ; plus haut sur la croix est représenté un calice dans un cercle , lui même inscrit dans un cercle solaire , symbole de la Lumière Divine . Cette croix , au style caractéristique , réalisée par des maitres de forge , malgré son fût anépigraphe m'incite à penser qu'elle date de la première moitié du XIX e siècle , sans doute les années 1840-1860 , du moins dans sa version actuelle .
La belle croix des Quatre vents a donc été déplacée sur requête du propriétaire de la maison et terres des Quatre vents , le docteur Achille Gouraincourt , ladite requête actée sur le registre des délibérations du Conseil Municipal :
" Session extraordinaire du dimanche 27 avril 1873 , midi
M. le Maire Laporte communique au Conseil la demande présentée par M. Gouraincourt au sujet d'un petit emplacement situé en face de sa maison , près d'un de ses héritages , où une croix dont le piédestal est en pierre est entourée de palissade . Il exprime le désir qu'en échange des terrains qu'il concède gratuitement à la commune pour la construction du chemin n°7 de Franchesse à Ygrande et des frais pour l'arrachage et la plantation des haies vives qu'il va supporter , il lui soit permis d'enclaver dans un de ses héritages voisins le petit emplacement où se trouve la dite croix ainsi que les autres excédents de chemins . Le Conseil concède à M. Gouraincourt ce qu'il demande ."
A l'origine , le calvaire , repéré sur le cadastre napoléonien se trouvait au carrefour des actuelles routes de Bourbon et d' Ygrande . Elles n'étaient à l'époque que des chemins de pierres semblables à celui de Gadodière . Au même endroit se trouvait une fosse , la fosse de l'Homme . Ce point d'eau , très important pour les habitants du haut bourg et leurs animaux , encore présent jusqu'au tout début du XXe siècle , fut comblé depuis , car malgré des travaux de réfection , la fosse ne tenait pas l'eau et débordait pendant les fortes pluies , ravinant au passage les fragiles chemins qui mènent à Bourbon et à Ygrande .
Nul doute que sans l'intervention du docteur Gouraincourt , la belle croix situé sur la zone de travaux du futur chemin n°7 qui mène à Ygrande , aurait fini en pierres de remblai. C'est grâce à lui encore , que nous avons la chance de pouvoir aujourd'hui la contempler .
Alexandre Cornieux
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