D'un puits à l'autre
Franchesse a pâti cet été ( comme beaucoup de communes ) d'un important déficit hydrique , accentué un peu plus chaque année , par les fortes périodes de canicule . Un des effets pervers du réchauffement climatique nous dit-on . Ce fait est avéré mais le problème de l'eau ne date pas d'aujourd'hui . Dans le bourg de Franchesse , aussi loin que remontent les chroniques , s'est posé le problème d'alimentation en eau des habitants du bourg. Situé sur un éperon rocheux , sans aucun rivière , ( la Bieudre est bien trop éloignée ) le bourg ne peut compter que sur ses nappes phréatiques .
A chaque saison sèche , les puits du bourg étaient grandement sollicités pour leur eau tant convoitée . Cela n'allait pas sans créer certains problèmes récurrents d'abus ou d'incivilités de la part " des tireurs d'eau " . Le puits de la Madeleine creusé en 1858 , sans doute insuffisant pour répondre à tous les besoins , connait de sérieux problèmes de structure et menace de s'effondrer. Il ne sera remplacé qu'en 1922 par un nouveau puits communal sur la place proche du calvaire ; ce puits est toujours à sa place de nos jours .
Lors de la séance du 20 mars 1898 , des incidents sont rapportés au maire de Franchesse , concernant les puits du presbytère et de l'école des garçons . Le maire , M. Roquet lit aux conseillers présents une lettre de M. Soulier , curé de Franchesse qui indique dans cette dernière de quelle façon il permettait en fait aux habitants d'user de son puits , tout en lui conservant son caractère de puits du presbytère :
" Franchesse , le 10 février 1898 ,
Monsieur le Maire de Franchesse , j'ai l'honneur de vous présenter par écrit les observations que je vous faisais dimanche dernier de vive voix au sujet du puits du presbytère .Ce puits a été creusé il y a (* ) 21 ans pour l'usage de la cure , au moment de la construction du presbytère . Depuis plusieurs années , j'ai permis aux personnes qui me le demandaient de venir y puiser dans les temps de grande sècheresse , en les priant de ne pas abuser de ma condescendance . Le puits se trouve loin de la route , au milieu de mon jardin et près du pignon de la cure . Je ne suis plus vraiment chez moi ; cependant je veux bien continuer à subir ces graves inconvénients dans les temps de sècheresse , lorsque l'eau sera suffisamment abondante dans le puits , qui actuellement très profond , mais à condition que l'on se montrera convenable .
Veuillez agréer ,etc...
signé : Soulier , curé "
Ci dessous , envahi par les lierres , le puits du presbytère de nos jours , placé entre l'ancienne cure et à droite l'ancien bureau de poste .
M. le Maire fait connaître à titre de renseignement la procédure qu'il faudrait suivre pour aboutir à la désaffectation de ce puits : 1°) délibération du conseil 2°) approbation du préfet 3°) en cas d'opposition de l'autorité diocésaine , renvoi du dossier au ministère de l'Intérieur 4°) l'affaire serait jugée par le Conseil d'Etat 5° )décret du Président de la République rendu en Conseil d'Etat . La désaffectation du puits du presbytère est donc une opération difficile . Incroyable amalgame de procédures alors que le brave curé demande simplement que le Conseil incite vivement les habitants qui se servent gracieusement dans le puits de la cure à plus de civilité !!!
Pour le puits de l'école des garçons la question semble plus que réglée .On peut lire lors de cette même séance de conseil :
" La question est résolue en fait . Le puits a été construit pour l'école ainsi que le constate le dossier relatif à cette affaire . ( M. le Maire donne lecture de quelques extraits . ) Vu les circonstances , M. le Maire a permis l'accès au puits sous les conditions suivantes ; I) il ne sera pas tiré d'eau pendant les classes II)Le puits ne sera transformé en lieu de rassemblement III)M. l'instituteur sera chargé de veiller à l'exécution de ces mesures et pourra , en cas d'abus fermer à clef la porte d'accès du puits . Dans ces conditions , l'administration ne dit rien , et il est vraisemblable que si on ne retombe pas dans les anciens abus qui ont fait fermer le puit , alors ... ( suite non retranscrite ).
Beaucoup d'histoires donc pour ces puits , qui prêtent à sourire tant ouvrir le robinet de la cuisine ou de la salle de bains nous semblent d'une banalité affligeante et pourtant , il y a peu , on tirait l'eau du puits avec un seau .
Alexandre Cornieux
(*) Nicolas Soulier prend possession de la cure , selon l'expression consacrée en 1877 , il y a bien 21 ans mais le presbytère ( et le puits ) a été construit deux ans plus tôt , en 1875 .
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